L'abrogation du devoir conjugal ?

12/03/2025
Le 11 mars 2025, des députés ont déposé une proposition de loi visant à mettre fin au devoir conjugal, faisant ainsi suite à la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme en date du 23 janvier 2025, dans laquelle la France s'est vue condamnée pour avoir prononcé un divorce aux torts exclusifs d'une requérante, au motif qu'elle refusait d'avoir des relations sexuelles avec son époux.


Il nous semble important de développer notre point de vue, tant juridique que politique, sur cette proposition de loi.


Les députés proposent en l'espèce de modifier l'article 215 du Code civil, relatif à l'obligation de communauté de vie des époux, en complétant son alinéa 1 par la phrase suivante : « Cette communauté de vie ne saurait être interprétée comme une obligation d'avoir des relations sexuelles ». 

Il s'agit donc d'une proposition de loi qui vise à casser la jurisprudence classique qui considérait incluse dans l'obligation de communauté de vie ce qu'on appelle la communauté de lit. 


L'argument qui sous-tend cette proposition de modification de l'article 215 du Code civil repose sur l'idée suivante : l'obligation de communauté de lit emporterait une présomption irréfragable de consentement aux relations sexuelles de la part des époux dans le cadre du mariage. 

Le problème se déporterait alors sur le terrain pénal, puisque la caractérisation systématique d'un tel consentement dans le cadre conjugal empêcherait de rassembler les éléments constitutifs du crime de viol dès lors que celui-ci aurait eu lieu dans le cadre du mariage. En effet, le viol suppose la caractérisation d'une violence, contrainte, menace ou surprise, ce dont la jurisprudence a tiré la nécessité de caractériser une violation du consentement de la victime.

L'affaire Pélicot a été brandie par les députés dans le cadre de cet argumentaire, comme un exemple de l'actualité du viol conjugal et de sa gravité.

L'exposé de la proposition de la loi rapporte qu' « En 2022, les services de sécurité ont enregistré près de 85 000 personnes comme victimes de violences sexuelles en France : 45 % pour des viols ou tentatives de viols, 55 % pour des agressions sexuelles. Une partie de ces violences sexuelles enregistrées sont commises dans le cercle familial. En 2022, sur l'ensemble des victimes de violences sexuelles, 11 % sont victimes de leurs conjoints, et 16 % d'un autre membre de la famille, pour un total de 27 % de victimes de violences intrafamiliales. »

De plus, les députés rappellent que la Cour européenne des droits de l'homme a « [constaté] que le devoir conjugal, tel qu'il est énoncé dans l'ordre juridique interne (…) ne prend nullement en considération le consentement aux relations sexuelles (…) La Cour en [a] déduit que l'existence même d'une telle obligation matrimoniale est (…) contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps ».


En ce qui nous concerne, nous n'approuvons pas cette proposition de loi sur le plan juridique.

Nous ne cautionnons cependant aucunement les violences faites aux femmes et tenons, en tant que femmes françaises, à rappeler à quel point il nous apparaît grave de soumettre une femme, qu'elle soit ou non épouse et mère de famille, à une quelconque forme de violence.


La femme est à nos yeux la gardienne des foyers, l'ange de la maison, le pilier de la nation, le coeur de la famille, la dépositaire de la vie.

Par ailleurs, étant résolument tournées vers l'avenir, nous n'affirmons pas que la solution se trouve dans la situation des femmes par le passé. Selon nous, beaucoup de progrès ont pu être accomplis ces dernières années, notamment dans le cadre de la prévention et la répression des violences gynécologiques, la prise en charge des troubles sexuels féminins, ou encore l'accompagnement des femmes vers un accouchement plus naturel, pour ne citer que ces quelques exemples.


Néanmoins, nous avons, d'un point de vue juridique, plusieurs objections à apporter.


Tout d’abord, il ne faut pas confondre droit civil et droit pénal, deux matières distinctes : ce que l’ont peut considérer comme une présomption de consentement aux relations sexuelles est une présomption qui ne joue qu’au civil, en matière de divorce pour faute ; elle n’empêche absolument pas, actuellement, la caractérisation en droit pénal d’un viol dans le cadre conjugal.


Néanmoins, nous rejoignons l’idée selon laquelle l’incohérence entre droit civil et droit pénal sur la question du consentement aux relations sexuelles constitue une source de désordre juridique propice aux confusions qui ne peut que témoigner d’une infirmité de la loi.


C’est la raison pour laquelle nous pensons que le viol ne devrait pas pouvoir être caractérisé dans le cadre conjugal : les infractions de violences pourraient être mobilisées afin de permettre une répression tout aussi satisfaisante — voire plus satisfaisante — de tels actes. 


Il suffit effectivement de prévoir des circonstances aggravantes particulièrement lourdes en cas de commission de violences sur le conjoint et dans le cadre d’une relation sexuelle, jusqu’à faire basculer de telles violences dans le domaine criminel au besoin. En effet, violenter l’épouse et la mère potentielle dans le cadre de la procréation constitue une atteinte aux intérêts de la nation en ce que de tels actes perturbent la sérénité du processus du don de la vie, laquelle est nécessaire à son bon accomplissement. Or, il est de l’intérêt de la nation d’avoir une descendance nombreuse et saine.


Nous rappelons en outre à toutes fins utiles que le viol simple a fait l’objet d’une odieuse vague de correctionnalisation pendant des années jusqu’à la création récente des Cours criminelles départementales ; à toutes fins utiles encore, nous rappelons que les Cours d’assises sont statistiquement plus sévères que les juges professionnels, et que le retrait des infractions de viol de la compétences des Cours d’assises a donc eu pour effet de faire tomber ces crimes dans le domaine de compétence des juges professionnels, lesquels sont statistiquement moins sévères, ce qui, in fine, n’a constitué qu’une piètre réponse au phénomène de correctionnalisation.


Ensuite, suivant les théories de l’autonomie de la volonté, nous ne comprenons pas pourquoi la CEDH affirme que « l’existence même d’une telle obligation matrimoniale est (…) contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps », alors même que les obligations matrimoniales sont le fruit d’un contrat de mariage librement consenti par les époux. 


C’est donc par l’autonomie de leur volonté, en toute liberté et par un consentement libre et éclairé que les époux s’engagent à la communauté de vie et de lit. Cette communauté de lit ne suppose pas et ne doit effectivement pas être interprétée comme un droit à violenter son épouse ou son époux, mais comme une obligation à tout mettre en œuvre pour mener à bien cette communauté de lit et pour remplir l’objectif de procréation qui la justifie, ce qui implique évidemment bienveillance, respect, douceur, amour et patience. 


En effet, et c’est bien ici que le bât blesse dans le Code civil, le mariage est une institution qui, politiquement et civilement, a pour objectif de permettre la construction de familles et à organiser socialement le don de la vie. Le but du mariage est la procréation : mais cette idée n’est malheureusement pas contenue dans le Code civil, ce qui a fait du mariage une institution vide de sens, qui apparaît alors comme un contrat incompréhensible, illégitime et irrespectueux de l’autonomie de la volonté des individus. 


Pourtant, à bien y réfléchir, le mariage devrait être le mécanisme permettant aux époux de mettre en œuvre leur liberté contractuelle en concrétisant leur volonté de procréer et de construire une famille dans le respect de l’ordre social nécessaire à la stabilité des familles.


Car le mariage n’est pas simplement un contrat en vue de procréer, mais encore un contrat en vue de procréer dans le respect d’un ordre social déterminé et soumis aux exigences du bien commun de la cité politique. 


Au contraire, cette proposition de loi et la vision des choses dont elle s’abreuve, insinue que les hommes et les femmes ne sont pas en mesure de consentir librement à l’obligation de communauté de lit, alors même que celle-ci n’est — en tout cas si l’on se fie à la lettre de la loi — aucunement une obligation de résultat mais peut être interprétée comme une obligation de moyens.


Par ailleurs, considérer l’obligation de communauté de lit comme une obligation de moyens permettrait de casser partiellement la jurisprudence de la Cour de cassation qui ouvrait droit au divorce en cas de défaut de relations intimes : « l’abstention prolongée de relations intimes imputées à l’épouse » était de nature à justifier le prononcé du divorce pour faute dès lors que celle‑ci « n’était pas justifiée par des raisons médicales suffisantes » (Civ. 17 décembre 1997, pourvoi n° 96‑15.704) », puisque, grâce aux progrès médicaux sus-évoqués, ce qui n’était pas jugée comme raison médicale suffisante en 1997, pourrait l’être plus aisément en 2025.


Enfin, sans nous attarder sur la question du divorce, nous pointerons du doigt le fait qu’une fois de plus, les députés tentent de monopoliser l’attention d’un Législateur qui a depuis longtemps démontré son incompétence juridique (ce qui n’est pas étonnant puisque le corps législatif est composé de rats démocrates) sur des problèmes de niche (car, dans les faits, la plupart des couples qui souhaitent divorcer n’attendent pas de ne plus avoir de rapports sexuels pour le faire) et d’instrumentaliser le Code civil, et, plus largement, la loi, au service d’intérêts partisans et distincts de ceux du peuple français. 


Ils recréent ainsi le chaos qu’ils sèment dans la société au sein de l’ordonnancement juridique.


Face à cette proposition de loi, qui, plus qu’un apport juridique, se révèle être un nouveau vecteur de déstabilisation des familles déjà grandement ébranlées dans leurs fondements, nous réaffirmons la nécessité d'œuvrer au bien et à l’union des familles. 


Nul engagement sincère, nul amour véritable ne résiste sans l’alliance de l’effort et de la patience — deux vertus d’ailleurs intrinsèquement militantes, ce qui démontre que l’Amour ne s’éprouve que dans le combat — et requises de chacune des parties au contrat de mariage.


Seul le nationalisme, expression la plus noble de l’amour des siens, saura garantir pour notre présent et pour notre avenir, la paix des familles, puisqu’il considère la famille, tout comme la nation, comme des entités organiques dont les membres se soutiennent les uns les autres et travaillent volontairement en cohérence pour le bien du tout et de chacun.


Hilda Lefort